VITAMINE A ET RETINOIDES
INTRODUTION
En 1909 ; STEPP montre qu’un facteur liposoluble est indispensable à la survie des animaux de laboratoire.
En effet ; soumises à une alimentation préalablement délipidée, la sourie meurt.
Peu après, McCOLLUM et DAVIS rapportent la présence, dans le jaune d’œuf et le beurre, d’un « facteur A soluble dans les graisses » prévenant la mort des animaux soumis à un régime déficient en lipides.
Ensuite DRUMMOND nomme ce facteur : vitamine A.
Dix ans plus tard, la structure de la vitamine A est donnée par KARRER et MORF en même temps que celle du β-caroténe.
Par la suite, furent reconnues à cette molécule de nombreuses propriétés biologiques et physiologiques.
Ainsi WALD a relié la vitamine A et la vision en démontrant que le rétinal, dérivé oxydé du rétinol ; est présent dans le pourpre rétinien.
Dès 1946, AREN et DORP synthétisent l’acide rétinoïdes et montrent son importance dans le déroulement de la croissance chez le Rat.
Au cours de la dernière décennie, sont apparus les rétinoïdes ; analogues structuraux de l’acide rétinoïque dont l’activité différenciatrice est maintenant démontrée.
Initialement utilisées en dermatologie pour le traitement de diverses maladies cutanées (acné, psoriasis) ; ces molécules montrent leur efficacité en chimio-prévention de divers cancers.
LA VITAMINE A
Structure et nomenclature
Sous le nom de vitamine A, sont désignées un certain nombre de substances de structure très voisines existant dans les tissus animaux et présentant le même genre d’activité.
La principale et la plus active biologiquement est le rétinol tout-trans qui peut être préparé à l’état pur par synthèse, tandis que dans les produits naturels (huile de foie de poissons et de mammifères marins ou concentrats naturels) ; il est accompagné de plusieurs isoméres.
La vitamine A, comme tous les rétinoïdes en général, représente une classe de molécules constituées de quatre unités isopréniques assemblées tête à queue.
Tous les rétinoïdes peuvent formellement dériver d’une structure de base comprenant 5 doubles liaisons et un groupe fonctionnel situé à une extrémité du système polyénique.
Le squelette de la famille répond à la formule générale suivante : un cycle triméthylcyclohexényle relié à une fonction R polaire (alcool, acide …) par l’intermédiaire d’une chaine tétraénique substituée de configuration tous-tans.
| R | Appellations communes | DCI |
| CH2OH | Vitamine A alcool ou vitamine A1 | rétinol |
| CHO | Vitamine A aldéhyde ou rétinal | |
| COOH | Vitamine A acide ou acide rétinoïque | Trétinoïne |
| CH2OCOCH3 | Vitamine A acétate ou acétate de rétinyle | |
| CH2OCOCH2CH3 | Vitamine A propionate ou propionate de rétinyle | |
| CH2OCO(CH2)14CH3 | Vitamine A palmitate ou palmitate de rétinyle | |
| Β-glucuronide de la vitamine A acide ou acide 1-0-rétynoyl-β-D-gmucupyranuronique |
Voies d’accès
Dans la nature, la vitamine A existe uniquement sous la forme d’esters d’acides gras hautement lipophile.
Les sources les plus riches de vitamine A sont le foie et, particulièrement les huiles de foie de poissons et de mammifères marins.
Ce furent d’ailleurs pendant un temps les seules sources d’approvisionnement en rétinol.
La difficulté des synthèses réside principalement dans l’obtention d’un polyéne final tout-trans. C’est pourquoi ; l’introduction de méthodes d’oléfination régiospécifiques et hautement stéréospécifiques a constitué un progrès décisif.
La réaction de WITTIG (ylures de phosphore) et la réaction de JULIA (sulfones) sont utilisées maintenant lors des étapes-clefs de cette chimie des polyéne.
Matières premières
Il s’agit essentiellement de la pseudo-ionone et la β-ionone (après cyclisation en milieu acide) ; l’une et l’autre apportent 13 atomes de carbone.
La pseudo-ionone s’obtient à partir du déshydrolinalol ou du citral selon le schéma suivant :
Principes généraux des synthèses
Hoffmann-La Roche et Rhône-Poulenc-Rorer exploitent des réactions d’addition et d’élimination ; le premier unit les synthons C14 et C6 par une réaction de Grignard, le second les synthons C15 et C5 selon la méthode de JULIA, Quand à la BASF, elle réalise entre un synthon C15 et un synthon C5 une réaction de Wittig.
Les schémas de rétro-synthèses dont présentés ci-dessous :
Stratégie Rhône – Poulene (JULIA)
La β-ionone traitée par le chlorure de vinylmagnesium, conduit directement au β-vinylionol qui réagit avec du phénylsulfinate de sodium dans l’acide acétique.
Le deuxième synthon (chloroacétal) est obtenu selon le schéma ci-dessous.
L’acétate diénique est préparé par échange fonctionnel entre l’aldéhyde sénècoique (ou 3-méthylbut-2-énal) et l’acétate s’isopropényl.
L’addition de chlore sur la double liaison la moins substituée, puis de méthanol sur la seconde double liaison conduit au chloroacétal après élimination successive d’acide chlorhydrique et d’acide acétique.
Le carbanion correspondant à la sulfone C15 réalise une SN sur le chloroacétal livrant le sulfone-acétal C20 qui, sans être isolé, est traité en milieu acide (sulfone-aldéhyde).
L’élimination du groupement sulfonyle par de l’acétate de sodium livre ensuite le rétinal qui est réduit en rétinol sous la forme de complexe avec l’hydroquinone.
Acide rétinoïque et mécanisme biomoléculaire d’action
Protéines fixant l’acide rétinoïque (CRABP I et II)
L’acide rétinoïque est le plus puissant métabolite de la vitamine A.
Une fois biosynthétisé dans la cellule, il est, dans la plupart des tissus, transporté spécifiquement par des protéines appelée « protéines cellulaires fixant l’acide rétinoïque » (ou Cellular Retinoic Acid Binding Proteins : CRABP), appartenant à la superfamille des protéines fixant les acides gras (Fatty Acid Binding Proteins : FABP).
Actuellement, deux isoformes ont été identifiée et appelées CRABP I et II.
Les CRABP sont retrouvées dans la plupart des tissus fœtaux et tumoraux.
Les teneurs les plus importantes sont retrouvées, pour les tissus normaux au niveau de l’œil, des ovaires, de la prostate… et de la peau.
La peau est un des organes où la CRABP est présente en grande quantité.
Dans les lésions psoriatiques, le taux de la CRABP II est 3 à 8 fois supérieur à celui rencontré dans les zones saines.
Les CRABP joueraient le rôle de navette entre le cytoplasme et le noyau où se situent les récepteurs de l’acide rétinoïque.
Dans les cellules qui en sont pourvues, un autre rôle des CRABP consisterait à réguler la concentration du ligand qui atteint le noyau, à créer un gradient d’acide rétinoïque, mais aussi peut-être à protéger la cellule contre des concentrations libres trop élevées et toxiques d’acide rétinoïque.
Dans le cas des cellules n’exprimant pas les CRABP, l’acide rétinoïque agit, soit comme « hormone intracrine », soit comme « hormone paracrine ».
L’acide rétinoïque et ses récepteurs nucléaires
La découverte de récepteurs de l’acide rétinoïque et l’appartenance de ceux-ci à la « superfamille » des récepteurs nucléaires a permis une meilleure compréhension des mécanismes moléculaires par lesquels agissent la vitamine A et surtout ses dérivés acides.
Les propriétés de ces molécules sur la croissance cellulaire, la différenciation et le développement embryonnaire s’expliquent alors aisément.
Les récepteurs nucléaires RAR (retinoïc acid receptor) constituent un groupe de protéines de structure très similaire, impliqués dans la transcription génique de protéines telles que les stéroïdes, les hormones thyroïdiennes, les rétinoïdes ou encore les inducteurs de peroxysomes, mais aussi dans celle de ligands encore inconnus.
Ces récepteurs activent ou répriment l’expression génique en se liant à des séquences spécifiques de l’ADN au niveau des gènes cibles.
D’autres récepteurs RXR (retinoid X receptor) sont également décrits, ayant pour ligand spécifique l’acide rétinoïque-9-cis qui se lie également aux récepteurs RAR.
Activités physiologiques de la vitamine A et ses dérives
La conversion du rétinol en rétinal et vice-versa, ainsi que la métabolisation du rétinol en acide rétinoïque expliquent les multiples points d’impact de la vitamine A.
Certaines propriétés du rétinol et de ces métabolites sont propres, d’autres partagées.
Rétinal et vision
Le « pourpre rétinien » (ou rhodopsine) est le pigment photosensible porté par les bâtonnets de la rétine qui participent à la vision nocturne, c’est un véritable récepteur de photo.
La rhodopsine est formée d’une protéine : l’opsine et d’un chromophore : le 11-cis-rétinal.
La décomposition du pourpre rétinien est due à une modification conformationnelle de la protéine (opsine) secondaire à l’isomérisation du 11-cis rétinal en tout-trans rétinal sous l’influence de la lumière.
Sa régénération se fait à l’obscurité selon un processus enzymatique dont l’élément le plus important est une protéine Gt appelée transducine.
Reproduction et vitamine A
Le système reproducteur exige pour être fonctionnel un taux adapté de vitamine A tant pour la spermatogénèse que pour la gestion et le développement fœtal.
La croissance du fœtus dépends du transfert placentaire de rétinol pris en charge par une RBP fœtale.
Lors d’une imprégnation excessive de rétinol, les effets tératologiques apparaissent.
Vitamine A et croissance
L’animal déficient en vitamine A perd tout d’abord l’appétit ; son poids se stabilise après 4 à 6 semaines, puis diminue rapidement jusqu’à la mort si la carence se prolonge.
Vitamine A (et ses dérivés) et différentiation cellulaire
La vitamine A est essentielle à la différentiation normale des épithéliums.
Des rats carencés développent une kératinisation des épithéliums et une métaplasie squameuse des muqueuses.
Les tissus les plus touchés sont la trachée, la peau, les glandes salivaires, la cornée et le tractus génital, mais aussi le tissu osseux.
Le rétinol corrige ces troubles.
La vitamine A régule in vitro le type de kératine formée en contrôlant les taux d’ARN messagers correspondants.
Il est cependant difficile de dissocier le rôle joué par le rétinol de celui joué par son métabolite : l’acide rétinoïque.
La différenciation cellulaire induite par l’acide rétinoïque peut conduire à la mort cellulaire programmée ou apoptose.
L’induction de l’apoptose peut être considérée comme le but final d’un traitement par les différenciateurs cellulaires dans la mesure où la cellule néoplasique répond de nouveau à certains mécanismes d’homéostasie cellulaire auxquels elle avait échappé.
Indications thérapeutiques
Les besoins physiologiques en vitamine A sont normalement couverts par un apport alimentaires varié.
Dans le cas contraire l’organisme mobilise ses réserves hépatiques et les besoins sont alors assurés pendant quelques mois.
La grossesse, l’allaitement et la croissance les augmentent sensiblement.
Hypovitaminose et avitaminose A
Maladie cutanées : L’acné, le psoriasis, la maladie de Darier…
Rougeole
Autres indications : L’asthénie fonctionnelle, rhinites atrophiques, atteintes neurosensorielles en évolution (anosmies récentes, surdites toxiques).

