Pharmacologie du monoxyde d’azote
Le monoxyde d’azote, ou oxyde nitrique (NO), estun médiateur paracrine synthétisé par les cellulesendothéliales et par de nombreux autres types cellulaires.
Domainedu NO
Le NO peut être libéré par de nombreuses cellules :
en tant que neuromédiateur :
Par des terminaisons présynaptiques neuronales du système nerveux central, au niveau du cervelet, de l’hippocampe et du bulbe olfactif ;
Par des terminaisons présynaptiques des fibres centrifuges postganglionnaires du système nerveux autonome non adrénergique-non cholinergique (NANC), au niveau du tube digestif, de la vessie, des organes génitaux, de la rétine, des surrénales.
en tant qu’hormone locale :
Par les cellules de l’endothélium vasculaire (surtout) ;
Par les plaquettes, les ostéoblastes et ostéoclastes, les macrophages et neutrophiles, les fibroblastes.
Étude du NO :
Biosynthèse
Le NO est synthétisé à partir de la L-arginine et de l’oxygène moléculaire (02).
Cette réaction est catalysée par la NO synthase, enzyme également responsable de la synthèse de la L- citrulline.


La NO-synthétase (NOS) existe sous deux formes:
NOS constitutive
Son activité est permanente et elle a un rôle physiologique.
Elles sont activées par le complexe Ca2+/calmoduline et entraînent une libération de NO (mesuré en picomoles) immédiate et de courte durée.
Deux sous-types, de fonctionnement semblable, sont distingués sur des bases biochimiques :
La nNOS ou NOS I est située dans le cytosol des neurones ;
La eNOS ou NOS III est située dans le cytosol des cellules endothéliales.
Les NOS constitutives sont activées par un mécanisme complexe suite à :
la stimulation de récepteurs propres, dont les agonistes sont le glutamate, l’acétylcholine, la bradykinine, la substance P, l’ADP ;
des stimulations mécaniques (pulsations vasculaires) ou chimiques (polylysine).
NOS inductible
La NOS inductible ou iNOS ou NOS II est présente dans le cytosol de nombreuses cellules du système immunitaire (macrophages, cellules de KUPFER, polynucléaires neutrophiles), des fibroblastes, etc.
Son activité est intermittente et elle a un rôle physiopathologique.
L’induction de cette NO- synthase par effet génomique nécessite un délai de plusieurs heures mais la NO-synthase induite est immédiatement active après sa synthèse, en absence de calcium, et entraîne une libération prolongée et très importante de NO(se mesure en nanomoles).
Elle est induite par des cytokines notamment l’interféron γ, qui peut être potentialisé par l’interleukine 1β et le tumornecrosis factor α et par des liposaccharides bactériens.
Elle est inhibée par les corticoïdes ainsi que par certaines cytokines (facteur de croissance β).
Libération:
Dès sa synthèse, le NO diffuse sous forme gazeuse; synthèse et libération sont simultanées et il n’y a pas de stockage de NO dans les tissus.
Il y a une libération basale continue de NO qui, par la vasodilatation qu’il exerce, participerait à la régulation de la pression artérielle.
Le NO diffuse à travers les membranes et pénètre dans toutes les cellules voisines de celles qui le libèrent.
Libéré par l’endothélium vasculaire, il pénètre dans les fibres vasculaires lisses.
Libéré par les terminaisons présynaptiques neuronales, il diffuse dans les éléments postsynaptiques et, d’une manière rétrograde, dans les terminaisons présynaptiques qui l’ont libéré et augmente la libération de glutamate.
Catabolisme
Le NO est une molécule gazeuse instable qui dans l’organisme est transformée spontanément, en raison de la présence d’oxygène, en nitrite NO2– puis en nitrate NO3–.
NO NO2– NO3–
Le NO, qui est un gaz, peut facilement diffuser dans l’organisme.
Il est capté par des transporteurs, notamment de manière réversible par l’hème des globules rouges, ce qui limite sa toxicité.
En cas de libération massive, ce mécanisme peut être débordé ; le NO serait alors capable de se fixer sur des protéines (nitrosylation) et de provoquer des dégâts cellulaires.
Récepteurs et couplage
Le NO agit soit dans la même cellule (autocrines), soit dans des cellules voisines (paracrines).Il active la guanidyl-cyclase, ce qui entraîne la formation d’un deuxième messager, leguanidyl-mono-phosphate cyclique (GMPc).Celui-ci :
Agit directement sur des canaux ioniques ;
Phosphorile des protéines-kinases (muscle lisse, plaquettes) ;
Stimule certaines phosphodiestérases (cœur, hippocampe) ;
Inhibe certaines phosphodiestérases (cœur, plaquettes).
Effets et rôles du NO
Effets et rôles physiologiques
effets centraux : mémoire à long terme, nociception, appétit ;
effets végétatifs : vidange gastrique, érection ;
effets vasculaires :
vasodilatation et régulation de la circulation locale, notamment cérébrale, pulmonaire et coronaire ; en cas de forte production, hypotension ;
diminution de la prolifération cellulaire endothéliale ;
effets plaquettaires : diminution de l’adhésivité et de l’agrégabilité ;
effets immunitaires: activation des macrophages et des leucocytes, apoptose.
Rôles physiopathologiques
chocs septiques : par excès de production de NO dû aux toxines bactériennes ; le NO est responsable du collapsus ;
dégénération et mort neuronale : par production excessive suite à l’hyperstimulation glutaminergique, l’excito-toxicité et la formation de radicaux libres ; mécanisme supposé en cas d’ischémie cérébrale, de maladie de HUNTINGTON, de SIDA ;
athérogénèse et thrombogénèse : en cas d’hypercholestérolémie, de diabète et d’hypertension artérielle, il est supposé qu’il y ait un déficit dans la formation de NO, ce qui favoriserait la vasoconstriction, la prolifération endothéliale et l’agrégation plaquettaire ;
hypertrophie congénitale du pylore et achalasie de l’œsophage, en cas de déficit congénital en NOS.
Médicaments du domaine du NO
1/Donneurs de NO :pro-drogue ↑ la quantité de NO au niveau du site d’action : dérivés nitrés et apparentés.
2/Potentialisateurs du NO :
Inhibiteurs sélectifs de la phosphodiesterase 5 (PDE5) Responsable hydrolyse du GMPc:
↑ GMPc.
Inhibiteurs de la NO synthase : recherche d’inhibiteurs sélectifs des différents isoformes : Contrôle du choc septique (premiers essais cliniques utilisant des inhibiteurs non-sélectifs décevants : mortalité cardiovasculaire!!!).
Les dérivés nitrés et les médicaments apparentés
Rappel sur l’angine de poitrine
L’angine de poitrine (angor, ischémie myocardique) se manifeste par une douleur intense au niveau du myocarde, survenant à l’effort, par une insuffisance d’oxygénation causée par un athérome au niveau des artères coronaires.
L’objectif du traitement anti-angineux est de rétablir une meilleure adéquation entre les apports et les besoins en oxygène du myocarde, pour cela il faut :
Soit diminuer la consommation en oxygène du myocarde : il s’agit de réduire la tension pariétale, réduire la fréquence cardiaque et réduire l’inotropisme.
Soit augmenter l’apport en oxygène au myocarde: augmenter la taille des vaisseaux coronariens (vasodilatation coronaire).
Soit redistribuer du sang oxygéné au myocarde : rétablir une perfusion plus physiologique avec un rapport endocarde/épicarde proche de celui que l’on constate chez un sujet sain.
A- Les dérivés nitrés :
Médicaments existants : Il existe :
Trois dérivés nitrés utilisés dont la dénomination internationale est la suivante :
la trinitrine ;
l’isosorbidedinitrate ;
l’isosorbidemononitrate ;
Deux modalités d’action :
action rapide (trinitrine, isosorbidedinitrate) par voies sublinguale et injectable
action prolongée (trinitrine, isosorbidedinitrate, isosorbidemononitrate) par voies orale et transdermique.

Mécanisme d’action:
La transformation des dérivés nitrés en NO nécessite la présence des molécules à groupe SH, telles que la cystéine et le glutathion, leur fixation sur les radicaux SH des protéines membranaires des muscles lisses vasculaires va conduire à une oxydation des radicaux en SH-
C-O-NO2 (grâce à la gluthation-S-réductase) puis augmentation de groupements nitrosothiol [R-SNO] donneurs de NO.
Une fois produit, le NO active la guanylatecyclase soluble, augmentant les concentrations intracellulaires de GMPc.
Dans les cellules musculaires lisses, ceci induit la déphosphorylation des chaines légères de la myosine et diminue la concentration intracellulaire de calcium, entrainant une relaxation musculaire lisse dans de nombreux tissus.
Cette action n’est donc pas spécifique au système vasculaire.
Cependant, l’action relaxante sur les vaisseaux (vasodilatation) est prédominante aux doses thérapeutiques.

Phénomène d’échappement aux dérivés nitrés (phénomène de tolérance) :
Il consiste en une atténuation de leur effet lorsqu’ils sont prescrits de façon continue à dose fixe dû à une déplétion dans la cellule musculaire lisse de groupes sulfydryles (SH) indispensables à l’activation des radicaux NO2 des dérivés nitrés en NO.
Effets pharmacodynamiques :
Dilatation coronaire : ↑ débit coronaire : ↑ apport en 02 ;
Dilatation veineuse: ↓ retour veineux et de la pré-charge : ↓ consommation 02 ;
Autres: myorelaxation (fibres bronchiques, des voies biliaires, de l’urètre, du tractus digestif), vasodilatation des artérioles crâniennes et du cou/face.
Effets secondaires :

Modalités d’utilisation: Patch:
Risque de tachyphylaxie →Fenêtre thérapeutique de 8 à 12h par 24h pour éviter le phénomène de tolérance : enlever la nuit ;
Risque d’irritation, nécessité de changer de région cutanée ;
A coller sur une surface cutanée saine, propre et peu poilue, exercer une pression avec la paume de la main pour une bonne adhésivité.
Interactions médicamenteuses :
Inhibiteurs de phosphodiesterase de type 5 (sildénafil, tadalafil) : ces derniersvont augmenter les concentrations intracellulaires de cGMP, l’association à un dérivé nitré qui active la guanylatecyclase soluble est donc synergique et expose à des risques d’hypotension artérielle sévère ou de syndrome coronarien aigu.
Il s’agit d’une contre-indication absolue ;
L’association avec les anti-HTA, diurétiques, vasodilatateurs et l’alcool expose au risque de majoration d’hypotension artérielle.
B-Les apparentés aux dérivés nitrés:
Médicament existant :
Molsidomine
Mécanisme d’action:
Mécanisme d’action proche de celui des dérivés nitrés, ne nécessitent pas de métabolisme pour libérer du NO dans la cellule musculaire lisse de ce fait ils n’ont pas de phénomène d’échappement car elle ne nécessite pas de groupement SH.
Effets pharmacodynamiques :
À ses effets vasodilatateurs, la molsidomine ajoute un effet antiagrégant plaquettaire direct et une réduction de la synthèse du plateletactivating factor (PAF-acéther) et du thromboxane A2 par une inhibition de la phospholipase membranaire.
Effets secondaires : Idem que pour les dérivés nitrés.
Les inhibiteurs de la phosphodiésterase 5 (IPDE5)
PDE5 → enzyme qui hydrolyse le GMPc en GMP
Pas de GMPc→ pas de relaxation des muscles lisses vasculaires
Médicament existant :
Sildénafil,Tadalafil


Le sildénafil (Viagra®) etle tadalafil (Cialis®) sont utilisés dans la prise en charge médicale dela dysfonction érectile, qui peut être définie commel’incapacité permanente ou récidivante à obtenir oumaintenir une érection suffisante pour l’accomplissementde l’acte sexuel.
En 2005, le sildénafil a obtenu une autorisation de misesur le marché (AMM) dans le traitement de l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP), sous le nom deRevatio®.
Cette maladie se caractérise par l’augmentationprogressive de la résistance vasculaire et de la pressionartérielle pulmonaire, entraînant ainsi une dyspnée etdonc une hypoxémie.
L’HTAP est dû à une dysfonction endothéliale avec un déséquilibre entre une production diminuée de molécules vasodilatatrices (le monoxyde d’azote et la prostacycline) et une production augmentée de molécules vasoconstrictrices (l’endothéline ou le thromboxane A2).

Mécanisme d’action:
Dans la dysfonction érectile
Physiologiquement, la stimulation sexuelle entraînela libération de monoxyde d’azote (NO) par les cellulesendothéliales des corps caverneux d’une part, et desneurones non adrénergiques et non cholinergiquesd’autre part.
Le NO diffuse au travers des fibres lissesdes corps caverneux pour y activer la guanylatecyclase,formant de la GMPc à partir de la GTP.
L’accumulation intracellulaire de GMPc activeles protéines kinase G-1 (PKG-1), entraînant les cascadesbiochimiques suivantes :
une phosphorylation de la protéine IRAG associée au récepteur canal de l’IP3, ce qui diminue l’influx du calcium vers le cytosol ;
une phosphorylation du canal Kca, dont l’ouverture produit une fuite de potassium et donc une hyperpolarisation réduisant l’ouverture des canaux calciques de type L.
Ainsi, cette chute des concentrations en calcium intracellulairefavorise le relâchement des fibres lisses desartères des corps caverneux, générant l’érection.
Afin de limiter les effets précédents, l’enzyme phosphodiestérasede type 5, principalement présente au niveaudes muscles lisses des corps caverneux, dégrade leGMPc, ce qui bloque l’érection.
Par analogie structurale avec le GMPc, les IPDE5tels que le sildénafil sont des inhibiteurs sélectifs etréversibles de la phosphodiestérase de type 5.
En se fixant sur le GMPc, les IPDE5 empêchent sadégradation en 5’GMP, maintenant une concentrationde GMPc cellulaire élevée, ce qui amplifie et prolongeses effets (fuite de calcium), permettant ainsi une érectionavec un afflux sanguin accru dans les corps caverneux(NB:Les inhibiteurs de la phosphodiestérase 5 sont inefficaces enl’absence d’une stimulation sexuelle, celle-ci étant nécessairepour initier la libération de monoxyde d’azote).
Dans l’HTAP
Sur les cellules musculaires lisses artérielles pulmonaires l’inhibition de la PDE5 entraine :
Vasodilatation artérielle pulmonaire ;
Amélioration de l’oxygénation ;
Diminution de l’hypoxie.

Effets secondaires :

Interactions médicamenteuses
Les dérivés nitrés et autres donneurs de NO, car l’association avec les IPDE5 risque de majorer gravement les effets hypotenseurs (par la production de GMPcvaso dilatateur) ;
Les inhibiteurs de l’isoenzyme CYP3A4 du cytochrome P450, qui augmentent la demi- vie des IPDE5 en diminuant leur catabolisme hépatique ;
Les alpha-bloquants, en raison du risque de majoration de la vasodilatation pouvant provoquer une forte hypotension.

