FOIE ET MEDICAMENTS
Introduction. Le foie est l’un des organes majeurs du corps humain, en taille, mais surtout de par la large étendue de ses fonctions.
En effet, il joue un rôle important dans la digestion, que ce soit par la production de la bile et des sels biliaires, par le métabolisme et le stockage des nutriments absorbés par voie digestive, ou par la prise en charge de xénobiotiques amenés par cette voie, et dans l’épuration de nombreuses molécules endogènes ou exogènes dont l’accumulation pourrait être toxique pour l’organisme.
Les hépatites médicamenteuses représentent la première cause de mortalité liée aux médicaments, la première cause d’hépatites fulminantes en occident, et la première cause de retrait du marché d’un médicament.
Les atteintes hépatiques d’origine médicamenteuse :
Insuffisance hépatocellulaire : L’insuffisance hépatocellulaire est définie par l’ensemble des
manifestations cliniques et biologiques, secondaires à l’altération des fonctions hépatocytaires (synthèse, épuration, sécrétion biliaire…).
Elle regroupe l’insuffisance hépatique aigüe qui survient sur un foie sans atteinte hépatique préalable (hépatites toxiques, médicamenteuses, virales, auto-immunes, maladie de Wilson, d’origine tumorale ou cardiovasculaire), et l’insuffisance hépatique des hépatopathies chroniques (principalement des cirrhoses, mais également des infections bactériennes, virales, des hémorragies dues à une hypertension portale,…)
Encéphalopathie Hépatique (EH) : Suite à une insuffisance hépatique chronique ou aigüe, on peut observer des troubles de l’activité mentale et de la conscience, appelés Encéphalopathie Hépatique
Les mécanismes mis en cause regroupent une augmentation de la perméabilité de la barrière hématoencéphalique (BHE), des perturbations du transport de certains acides aminés nécessaires à la synthèse de neurotransmetteurs, se traduisant par des anomalies de neurotransmission, des modifications synaptiques au niveau de la membrane plasmatique, une accumulation de substances neurotoxiques (ammoniac, thiols, acides gras libres), un déséquilibre des systèmes neurotransmetteurs inhibiteurs (GABAergique) et activateurs.
Les facteurs déclenchants sont également variés : déshydratation, insuffisance rénale, utilisation de sédatifs ou de narcotiques, saignement gastro-intestinal, anomalies électrolytiques, augmentation des protéines diététiques, infection, constipation, exacerbation de l’atteinte hépatique responsable…
Hépatite fulminante : Il s’agit d’une hépatite aiguë grave entraînant une nécrose massive du parenchyme hépatique.
Le foie est généralement indemne au préalable, et se retrouve par la suite incapable d’assurer ses fonctions.
Cela se traduit par un tableau clinico-biologique équivalent à celui d’une insuffisance hépatique sévère (défaut de synthèse des facteurs de la coagulation), associé à des troubles neurologiques (encéphalopathie hépatique, coma).
L’évolution peut être favorable, avec une guérison spontanée, ou bien s’orienter vers des lésions irréversibles pouvant entraîner le décès du patient.
Le seul traitement à ce stade est la transplantation hépatique
Cirrhose : Syndrome correspondant à l’évolution naturelle de la plupart des maladies chroniques du foie, causé par l’inflammation chronique de celui-ci, entraînant la destruction des hépatocytes.
Ceux-ci se régénèrent de manière anarchique sous forme de nodules, le tout associé à une fibrose cicatricielle
irréversible et diffuse autour de ces nodules.
L’organisation lobulaire normale est ainsi complètement bouleversée
Hypertension portale : Lors d’atteintes hépatiques, les anomalies structurales du parenchyme peuvent augmenter la résistance à l’écoulement du sang en provenance de la veine porte, et donc une augmentation de la pression sanguine dans celle-ci.
Parallèlement, on observe une augmentation du débit sanguin splanchnique (ou débit sanguin viscéral).
Ces augmentations de pression vont entraîner la formation de dérivations veineuses entre le territoire splanchnique et le territoire cave, afin de contourner la zone à problème, c’est-à-dire le foie.
Ces courts- circuits vont permettre le passage de molécules absorbées au niveau intestinal, directement dans la circulation générale, sans passer par le foie.
On observe le plus souvent cette atteinte au cours de cirrhoses, mais également avec certaines tumeurs, ou d’autres étiologies plus variées
Tumeurs hépatiques :
Les tumeurs bénignes : Les tumeurs bénignes ne sont pas des cancers.
Ces nodules sont le plus souvent non dangereux pour la santé et ne nécessitent généralement aucune intervention.
Les tumeurs malignes : Le carcinome hépatocellulaire, ou hépatocarcinome, représente 90 % des cancers primitifs du foie.
Le plus souvent l’hépatocarcinome apparaît sur un foie endommagé par une maladie.
Il peut également arriver que le carcinome se développe chez une personne ayant un foie normal.
Cytolyse : C’est une atteinte de la membrane hépatocytaire.
Celle-ci peut être due à une destruction de la membrane (nécrose hépatocytaire), ou à une augmentation de la perméabilité membranaire.
Par conséquent, les substances normalement contenues dans l’hépatocyte vont être relarguées dans les sinusoïdes et leur concentration dans le sang périphérique va augmenter
Hépatite : Inflammation aigüe ou chronique du foie, pouvant entraîner une cytolyse( voir cour hépatites )
Stéatose : Cela correspond à une accumulation de lipides dans les hépatocytes lorsque la quantité de
graisse métabolisable par l’organisme est dépassée.
Le diagnostic est posé lorsque les lipides représentent 5 à 10% du foie.
Une stéatose simple est généralement une atteinte bénigne ne causant généralement pas de lésions hépatiques, et étant asymptomatique en dehors d’une hépatomégalie.
Cependant, le foie
devient plus susceptible à des atteintes ultérieures.
Ses causes principales sont l’obésité, le diabète, les carences protéiques, une hyperlipidémie, des prédispositions génétiques…
Cholestase (Stase biliaire) : Elle ne témoigne pas d’une atteinte de la membrane hépatocytaire mais d’une atteinte des mécanismes d’excrétion biliaire.
Les conséquences biologiques sont les mêmes, quel que soit
le niveau d’atteinte biliaire.
Elle peut être obstructive, par présence d’un obstacle sur les voies biliaires macroscopiques, ou non obstructive par atteinte cellulaire des cellules épithéliales des voies biliaires interlobulaires, ou du pôle biliaire des hépatocytes.
Lithiase biliaire : La lithiase biliaire est la formation de dépôts de consistance pierreuse, à partir de la bile, dans la vésicule biliaire.
Elle reste asymptomatique dans la majorité des cas.
Très fréquente, elle apparaît plus souvent chez les femmes, les personnes âgées ou en surpoids, et les patients présentant certaines pathologies (diabète, mucoviscidose, etc.).
Les dépôts peuvent être de la taille d’un grain de sable à celle d’un petit caillou.
Ils se forment à 80 % à partir du cholestérol contenu dans la bile.
Les 20 % restants sont constitués de pigments biliaires seuls, ou présentent une composition mixte (cholestérol et pigments)
III.
Principaux médicaments mis en cause.
Paracétamol : Il est la cause de 50% des hépatites fulminantes en France lorsqu’il est ingéré à doses supra thérapeutiques (>200 mg/kg/j).
L’insuffisance hépatique survient dans les 48 à 72 heures suivant la prise du médicament.
La toxicité est dose dépendante, et est due à la formation de métabolites réactifs.
Le paracétamol est métabolisé à 80% par glucurono et sulfoconjugaison en
métabolites non toxiques. 5% du métabolisme total est effectué par un CYP, et conduit à la formation de N Acetyl p-Benzoquinoeimine (NAPBQI) qui est toxique.
Ce métabolite est détoxifié par conjugaison au glutathion.
Lorsque les capacités du glutathion sont saturées, la NAPBQI
s’accumule et provoque une nécrose hépatocytaire, d’où une hépatite cytolytique.
Antituberculeux : L’isoniazide est un antituberculeux majeur, utilisé en association avec d’autres médicaments, fréquemment responsable d’hépatites cytolytiques, et d’hépatites aigües mixtes.
Il est métabolisé par le foie par acétylation dans un premier temps, le métabolite ainsi formé (acétylisoniazide) étant par la suite scindé en monoacétylhydrazine et acide isonicotinique.
La monoacétylhydrazine sera par la suite acétylée en diacétylhydrazine qui est toxique.
La toxicité est majorée par l’association de l’isoniazide à des inducteurs enzymatiques.
Sulfamides : Les sulfamides en tant que famille de médicaments présentent une toxicité qui serait due à un mécanisme d’hypersensibilité (chez à 1 à 2% des patients).
Ils sont responsables d’hépatites cytolytiques et cholestatiques .
Anti Inflammatoires Non Stéroïdiens (AINS): Ils représentent une vaste famille, dont de nombreux médicaments sont hépatotoxiques.
Un des mécanismes impliqués serait une induction directe du Port de Transition de Perméabilité Mitochondriale (PTPM) des hépatocytes, provoquant une augmentation du volume des mitochondries et la rupture de la membrane mitochondriale externe, entraînant la libération dans le cytosol de facteurs apoptotiques.
Cela se traduit à terme par une nécrose hépatocytaire.
Antidépresseurs Tricycliques (ATC) : Ils sont responsables d’hépatites cytolytiques, d’hépatites cholestatiques et d’hépatites mixtes par un mécanisme qui semble être lié à la structure tricyclique de ces molécules.
En effet, il a été mis en évidence une toxicité croisée entre différentes molécules de cette famille, et entre des ATC et les phénothiazines (qui possèdent également une structure tricyclique), suggérant un mécanisme immunoallergique causé par des métabolites actifs de cette structure
Dérivés hormonaux : Les contraceptifs oraux et plus généralement les dérivés hormonaux
(œstrogéniques ou androgéniques) sont une des causes majeures de cholestase pure.
Cette toxicité est majorée en cas d’administration simultanée d’inhibiteurs des CYP 3A (qui sont impliqués dans
l’élimination des œstrogènes).
Ces atteintes sont liées à l’effet inhibiteur dose-dépendant des œstrogènes sur la sécrétion biliaire.
Cet effet est multifactoriel.
On remarque en effet une augmentation de la perméabilité inter-hépatocytaire par ces médicaments, provoquant une rétrodiffusion de la bile des canalicules vers le sang.
Macrolides : Les macrolides en tant que classe sont responsables d’hépatites cholestatiques et mixtes.
Le mécanisme de cette toxicité reste inconnu, mais la rapidité de survenue des atteintes, l’historique asymptomatique en cas d’exposition préalable de certains patients, , suggèrent une hypersensibilité.
Les Bêta-Lactamines : Les Bêta Lactamines, et plus particulièrement l’association Amoxicilline-Acide clavulanique sont responsables d’un grand nombre d’hépatites cholestatiques et mixtes, par un mécanisme inconnu, mais qui semble être immunoallergique.
L’amoxicilline et l’ampicilline seules
seraient responsables d’hépatites dans 3 cas sur 100 000.
Les Statines : Elles sont responsables d’hépatites cytolytiques ou mixtes, voire fulminantes, et pour la simvastatine, d’hépatites cholestatiques.
Cette toxicité survient à doses thérapeutiques, par un mécanisme inconnu, et est relativement rare.
